Une découverte archéologique imprévue : le linteau gallo-romain de Glénic

Article de Jacques Roger

GLÉNIC : Église paroissiale de la Nativité-de-la-Vierge : mausolée et pierre épitaphe

Les blocs de grand appareil gallo-romain
La restauration de l’église a permis de mettre à jour de nombreux blocs en grand appareil de granite qui sont issus du démantèlement du mausolée gallo-romain édifié par Lucius Paccius Paccatus.
Ils ont, soit servi à la conception de sarcophages (cuve et couvercle), soit été intégrés dans la maçonnerie de l’église. D’autres enfin ont été réutilisés à l’intérieur de l’édifice religieux, servant de seuil de porte, de dallage ou de pierre d’autel par exemple.

Les mausolées funéraires
Ces monuments funéraires qui se caractérisent par l’emploi de grand appareil pour leur construction, semblent adopter, pour le centre de la Gaule, un modèle architectural du type « tombeau-temple », rappelant la morphologie des temples de tradition gréco-romaine, avec une cella construite sur un podium, accessible par un escalier de façade.
Bien que les éléments mis au jour lors des travaux ne permettent pas de restituer la morphologie architecturale de celui de Glénic, son emplacement -au-dessus de la rivière la Creuse-, tout comme son inscription, révèlent toutefois la notoriété de la famille des Paccii, dans une perspective de pérennisation de leur mémoire et du prestige qui leur est associé.

La pierre épitaphe de l’église de Glénic
La découverte de l’inscription en 2003 est liée aux travaux de restauration de l’église paroissiale de Glénic, à la base du contrefort nord-ouest du faux bras du transept septentrional, l’inscription face contre terre, où seules deux lignes étaient lisibles. Pour des raisons de stabilité de l’édifice, ce n’est qu’à l’automne 2009 que cet élément a été entièrement extrait des soubassements, permettant enfin la lecture intégrale de l’inscription.
Le support du texte est une pierre de taille en granite de grand appareil de 173cm de long pour 52cm d’épaisseur et 44cm de profondeur. Toutes ses faces sont bien équarries, exception faite de la face supérieure, plus grossièrement taillée. Le granite de ce bloc présente des traces rougeâtres, notamment dans sa partie gauche. Cette altération pourrait être liée à l’action du feu (liée à un incendie ?). Cette pierre a probablement été employée comme linteau d’une porte, les dimensions du support et la mention de plusieurs individus bénéficiaires de la sépulture concordant pour identifier ici un bâtiment à destination funéraire.
La faible détérioration de la pierre ne laisse aucune place au doute quant à la lecture de l’inscription.

5 lignes :
L (ucius) .  P accius .Andomif(ilius) . Pacatus.pater/
uiuos.m(onumentum) .posuit.etsibi. et.suis(hedera)/
L(ucio).Remmio.Andomopatri (hedera)/
Pacciae.Dami.f(iliae). Suiato .uxori/
Pacciae . Pacatae.filiae
« Lucius Pacius Pacatus, le père, fils d’Andomus a placé ce monument pour lui et les siens, de leur vivant, Lucius Remmius Andomus, son père, Paccia Suiato, fille de Damus, son épouse, Paccia Paccata, sa fille. »

L’inscription fait état d’un citoyen romain qui a pris soin de réaliser une sépulture, vraisemblablement un grand bâtiment, pour son père, son épouse, sa fille et lui même.
L’inscription incite à penser à une datation haute, probablement de la seconde moitié du Ier siècle ou de la première moitié du IIème siècle.

Orientations bibliographiques :

Inscriptions dans la cité des Lémovices : de nouveaux textes et de nouvelles lectures pour une meilleure connaissance de la population et de leurs pratiques funéraires
Auteurs : Aurélien Blanc[1], Dominique Dussot[2], Laurent Lamoine[3] et Jacques Roger[4]

Revue Aquitania : tome XXXIII, 2017, p.145-172

Résumé :
La découverte ces vingt dernières années de plusieurs inscriptions antiques dans le département de la Creuse et à proximité a été l’occasion d’apporter de nouveaux textes ou de nouvelles lectures dans le dossier épigraphique du Limousin. Des nouveautés importantes ou des interprétations nouvelles sur l’onomastique et sur la population Lémovice ont ainsi pu être proposées. La plupart révèle une dédicace funéraire, parfois inscrite sur un simple support, parfois en relation avec un mausolée, validant ainsi les observations archéologiques de terrain.
Mots-clefs : Creuse, Lémovices, épigraphie, notables, sépultures, mausolée, stèles.

The discovery, in the last twenty years, of several ancient inscriptions in the Creuze and its whereabouts has enabled / led scholars to add new texts or new readings to the epigraphic records of the Limousin region. New insights or new interpretations with regards onomastic and the Lémovice population have thus been put forward. Most of these inscriptions reveal a funeral dedication, sometimes engraved on a simple surface and at other times in relation to a mausoleum. This lends support to the observations made by archaeologists in the field.
Key words: Creuse, Lémovices, epigraphy, notables, burial ground, mausoleum, steles.

[1] Master en Histoire, Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand.
[2] Ingénieur d’études, SRA Limousin.
[3] Maître de conférences, Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand.
[4] Ingénieur d’études, SRA Limousin, UMR 6298 Artéhis Dijon.